Hî. NUMISMATIQUE COLONIALE ' \ ■> ï 5’ GAN A^b A LA MONNAIEEDE • : CARTE Extrait de VAnnuaire de la Société de Numismatique, année 1889. U . PARIS AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ..FRANÇAISE DE NUMISMATIQUE 25, RUE LAS G A S~É S' 1889 Amais, par ''ise de la 1889 Annuaire de la SociâtA française de numismatique paraît, tous les deux mois par fasciçi^Tps d’au moins 64 pages, et forme, chaque année, un volume jd’^Hviron 400 pages. On s abonne à Paris, ^iège de la Société française de Numismatique, 25, rue Las/Chases. Les abonnements partent du P*' janvier et ne sont reçus .q*ûe pour l’année entière. Le prix de l’abonnemenf.'^t de 20 francs. Toutes les communications relatives à V Annuaire doivent être adressées franco à M. qe.’ Belfort, directeur de V Annuaire de numismatique, rue Las Cq^ses, 25, à Paris. • * * • NUMISMATIQUE COLONIALE CANADA. LA MONNAIE; DE CART Les premiers temps de la colonisation française au Canada furent très difficiles sous le rapport du numéraire. Presque toutes les lettres des intendants au ministre de la marine constatent la disette d’argent. Cependant des espèces étaient envoyées occasionnellement par le roi à la colonie. Si cet argent, joint à celui apporté pour leur propre usage par les trafiquants ou les immigrants fût resté dans le pays, il eût pu, soigneusement ménagé, suffire aux besoins limités de la population ; mais, par suite de l’imprévoyance et de la vie aventureuse de la plupart des colons, dont un petit nombre seulement se livrait aux travaux agricoles, la balance commerciale accusaii un déficit, c’est-à-dire que les importations excédaient les exportations, et la différence, qui devait être compensée en argent, avait bientôt enlevé du pays tout le numéraire qui s’y trouvait b Pour retenir l’argent dans la colonie, on avait aug- menté d’un quart la valeur des monnaies de France, et les espèces particulières, émises en vertu de la Déclara- tion du roi du 19 févriqr-^ 1670, par la Compagnie des Indes Occidentales, avéodà légende gloriam regni tui dicent, furent portées, '..par arrêt du Conseil d’Etat du 18 novembre 1672, la piêffe'de 15 sols à 20 sols et la pièce de 5 sols à 6 sols et 8;. deniers. Cette mesure illusoire n’était pas de nature à arrêter la sortie du numéraire. Un problème encore à' résoudre par l’intendant était le payement des troupes. Il,#àit d’usage de payer les soldats au premier janvier, et l’argent destiné à la solde n’ar- rivant de France que beaucoup plus tard, c’était mettre continuellement l’intendant, dans l’obligation de recourir aux expédients pour satis'fafre la garnison. C’est dans ces laborieuses conditions que Jacques de Meulles, seigneur de la Source, grand bailly d’Orléans, intendant de la justice, police et finances en Canada, Accadie, Isle de Terre Neuve et autres pays de la France septentrionale, écrivait au ministre secrétaire d’Etat au dé- partement de la marine, de Québec, le 24 septembre 1685. « ... Je me suis trouvé cette année dans une très grande « nécessité touchant la subsistance des soldats, vous « n’aviez ordonné de fonds, Monseig'', que jusques en « janvier dernier, je n’ay pas laissé de les faire vivre « jusques en septembre qui font huit mois entiers. J’ay « tir éde mon coffre et de mes amis tout ce que j’ay pû, « mais enfin les voyant hors d’estat de me pouvoir rendre 1. The Money and Medals of Canada under the old Régime, by R. W. Mc Lachlan (of Montreal). — 3 « service d’avantage, et ne sçachant plus à quel saint me « vouer, l’argent estant dans une extrême rareté, ayant « distribué des sommes considérables de tous costez pour « la solde des soldats, je me suis imaginé de donner « cours au lieu d’argent à des billets de cartes que j’avois « fait couper en quatre, je vous envoyé. Monseigneur, « des trois espèces, l’une estant de quatre francs, l’autre « de quarante sols et la troisième de quinze sols , parce- « qu’avec ces trois espèces je pouvois faire leur solde « juste d’un mois, j’ay rendu une ordon'® par laquelle « j'ay obligé tous les habitans de recevoir cette monnoye (c en m’obligeant en mon nom de rembourser lesd. « billets, personne ne les a refusé et cela a fait un si bon « effet que par ce moyen les trouppes ont vescu à l’ordi- « naire. » A cette époque, il n’y avait pas encore d’imprimerie dans la colonie, et d’un autre côté, comme peu d’habi- tants savaient écrire, le papier n’était pas en abondance. Mais pendant les longues soirées d’hiver, les jeux de cartes étaient l’amusement favori de la population, et par conséquent, il s’en trouvait un dépôt assez considérable. C’est à cette ressource que l’intendant eut recours, et de communes cartes à jouer, coupées en quatre avec la valeur écrite à la main, ont inauguré le premier papier- monnaie qui fut émis sur le continent américain, et de fait, il a toujours été connu au Canada sous le nom de monnaie de carte. Chaque carte était timbrée à la cire à cacheter d’une fleur de lis, et portait les signatures de l’intendant et du secrétaire de la trésorerie de Québec. Une époque était spécifiée pour leur rentrée à la caisse du gouvernement, et après que leur montant eût été converti en lettres de change tirées sur le trésor royal, elles étaient brûlées. Dans la lettre de de Meulles on relève trois valeurs de cartes : 4 livres, 40 sols et 15 sols. D’après Ferland (His- _ 4 — Loire du Canada), il y en aurait eu cinq : 32, 16 et 4 livres, 40 et 20 sols ; mais c’était peut-être une émission ultérieure. Le successeur de de Meulles, l’intendant de Champi- gny, trouva la situation financière au même point. 11 écrit au ministre, le 10 mai 1691 : « ...Nous n’avons pas laissé que d’estre obligez de faire « cette année une nouvelle monnoye de cartes pour satis- « faire à toutes les dépenses, une partie de nos fonds